Risques de cancers : la traçabilité de l’exposition des sapeurs-pompiers approuvée par le Sénat
- Sud Sdis 33
- 22 mars
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Le Sénat a adopté, à l’unanimité ce mercredi 19 mars, une proposition de loi visant à garantir le suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires aux agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.
« Protéger ceux qui nous protègent ». La phrase a fait consensus, mercredi 19 mars, à l’occasion du vote de la loi transpartisane portée par les sénatrices Émilienne Poumirol (PS, Haute-Garonne) et Anne-Marie Nédélec (apparentée LR, Haute-Marne).
L’article unique de cette loi vise à inscrire dans le code général de la fonction publique l’obligation pour les Services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) d’assurer un suivi de l’exposition des sapeurs-pompiers. La mise en œuvre est prévue via des fiches d’exposition, dont des modèles ont été diffusés par la Direction générale de la sécurité civile, au mois de janvier
Mobiliser les Sdis
Ces fiches permettront notamment de tracer l’exposition à l’amiante, aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), aux particules fines et aux Pfas. Ceux-ci sont présents dans les tenues professionnelles, dans les mousses d’extinction des incendies et dans les retardateurs de flamme contenus dans les objets du quotidien, lesquels dégagent des fumées toxiques.
« L’objectif opérationnel est de mieux mobiliser et accompagner les Sdis », a souligné la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, présente à la séance publique. Car un décret, publié le 5 novembre 2015, instaurait déjà la mise en place de fiches d’exposition pour les agents de la fonction publique. Mais les autrices de la loi l’ont constaté : « Si certains Sdis sont proactifs, d’autres sont malheureusement en décrochage ». Le suivi reste aujourd’hui « dépendant des moyens octroyés et des sensibilités locales ».
Des maladies professionnelles non-reconnues
Un autre constat s’impose : celui de la sous-déclaration des maladies professionnelles. La CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, nldr) n’a recensé que 24 déclarations de maladies professionnelles pour des sapeurs-pompiers en 2023, et aucun cancer professionnel n’a été détecté entre 2013 et 2025 (!). En France, les deux seuls cancers présumés imputables au service dans les tableaux des maladies professionnels (annexés au code de la Sécurité sociale) sont le carcinome du nasopharynx et le carcinome hépato-cellulaire.
Le Centre international de recherche contre le cancer (Circ) a pourtant classé, en 2022, l’activité de sapeur-pompier comme cancérogène. Il a relevé un risque de mésothéliome plus élevé de 58 % chez les sapeurs-pompiers par rapport à la population générale et un risque de cancer de la vessie plus élevé de 16 %. Il a également fait le lien entre l’activité de sapeur-pompier et le développement des cancers du côlon, de la prostate, des testicules, mais aussi le mélanome et le lymphome non hodgkinien. Dans l’état américain du Nevada, 28 cancers sont reconnus comme maladies professionnelles, conte 19 dans l’Ontario et 9 au Québec pour le Canada.
Retard à l’allumage
La France a pris « un retard important », a regretté Émilienne Poumirol. Et de rappeler que le rapport Pourny, remis en 2003, recommandait de construire une « banque de données » et « un suivi médical coordonné ». Ce rapport n’a pas été suivi d’effets. La sénatrice l’explique par « un désengagement des pouvoirs publics des études épidémiologiques, mais également par l’influence des entreprises productrices de substances potentiellement cancérigènes ».
Les fiches d’exposition ont pour objectif de faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles, en rassemblant des preuves. Aujourd’hui, faire reconnaître le lien entre leur pathologie et leur activité est un véritable parcours du combattant pour les sapeurs-pompiers. Il faut « admettre que certains agents malades sont injustement privés du bénéfice du congé pour invalidité temporaire assurant un maintien de revenu, ainsi que de l’allocation temporaire d’invalidité », constate Émilienne Pumirol
La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a reconnu que les tableaux des maladies professionnelles doivent être actualisés, « dans le cadre du dialogue social », et en lien avec l’ANSES. Celle-ci a été saisie à l’automne 2024. « Les cancers qui concernent les pompiers seront traités en priorité », assure la ministre.
Une première étape
Cette loi « n’est qu’une première étape » pour Émilienne Poumirol. La prochaine consisterait à « accorder dotation exceptionnelle » pour équiper les sapeurs-pompiers de « cagoules filtrantes nouvelle génération ainsi que de tous les équipements dont l’efficacité est prouvée ». Les protocoles de désinfection, la modernisation des casernes pour éviter la contamination des espaces de vie, ont également fait l’objet d’observations.
« On parle de pacte capacitaire pour le matériel, cela serait bien d’y songer pour la santé », a lancé le sénateur (PS) de l’Hérault, Hussein Bourgi. Le texte adopté par le Sénat devra maintenant être examiné par l’Assemblée nationale.
Gazette des communes
Publié

le 21/03/2025 • Par Elina Barbereau • dans : A la Une prévention-sécurité, Actu experts prévention sécurité, Actu juridique, France
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